Lacroix-sorge : Différence entre versions
m (→La Croix du mardi 23 mars 1937 P1) |
m (→La Croix Jeudi 25 mars 1937 P1) |
||
Ligne 143 : | Ligne 143 : | ||
Les réactions de l'Allemagne à propos de l'Encyclique sont, aux yeux de l' "Ere Nouvelle", un utile enseignement pour les Français.<br> |
Les réactions de l'Allemagne à propos de l'Encyclique sont, aux yeux de l' "Ere Nouvelle", un utile enseignement pour les Français.<br> |
||
− | Que dit en effet l'Allemagne, menaçant le Vatican ? "Même un traité conclu avec le Saint-Père, proclamaient les journaux hitlériens, ne sauraient représenter une valeur éternelle, sacro-sainte et intangible. Il faudrait savoir l'adapter à l' |
+ | Que dit en effet l'Allemagne, menaçant le Vatican ? "Même un traité conclu avec le Saint-Père, proclamaient les journaux hitlériens, ne sauraient représenter une valeur éternelle, sacro-sainte et intangible. Il faudrait savoir l'adapter à l'évolution vivante, s'il ne doit pas devenir inefficace."<br> |
Et les articles officieux poursuivent :<br> |
Et les articles officieux poursuivent :<br> |
||
"La fidélité à la lettre d'un traité, fidélité qui irait jusqu'à l'anéantissement de soi même ; la fidélité allemande, c'est la fidélité au peuple allemand toujours et dans tous les cas."<br> |
"La fidélité à la lettre d'un traité, fidélité qui irait jusqu'à l'anéantissement de soi même ; la fidélité allemande, c'est la fidélité au peuple allemand toujours et dans tous les cas."<br> |
Version actuelle datée du 25 décembre 2007 à 10:38
La Croix du mardi 23 mars 1937 P1
Le Kulturkampf nazi
Une Encyclique du Saint-Père aux évêques d'Allemagne sur la situation de l'Eglise catholique dans le III° Reich
Dimanche, dans toutes les églises d'Allemagne, lecture a été faite de l'Encyclique
On annonce de Berlin qu'une Encyclique protestant contre les violations du Concordat de 1933 a été lue dimanche dans les églises catholiques d'Allemagne.
A Berlin, la lecture de ce document a été faite par Mgr Preysing, évêque de la capitale, dans la cathédrale Sainte-Edwige
L'Encyclique comprend trois sections. La première a trait au Concordat proprement dit, la deuxième vise la foi en Dieu, en Jésus-Christ et l'Eglise, ainsi que sur les droits reconnus aux parents par la morale chrétienne.
Une troisième partie implore la miséricorde divine pour tous ceux qui se sont laissés amener par des menaces ou des promesses à prêcher contre le Christ. Le Saint-Père déclare que si le Concordat conclu entre le Reich et le vatican n'a pas été respecté, la faute n'en n'incombe pas à l'Eglise catholique mais au gouvernement du Reich, qui, dit-il, n'a pas interprété loyalement les stipulations du traité.
Si le Saint-Père n'a pas dénoncé le Concordat, c'est seulement, dit ce document, "par le souci du salut des âmes dont il a la charge. Mais Nous continuerons à défendre les droits des fidèles devant les chefs de votre peuple. Nous ne Nous laisserons pas influencer par ces succès ou ces insuccès passagers".
L'Encyclique critique ensuite la doctrine raciste. Elle condamne sévèrement la théorie du "sang et du sol". "Quiconque, dit-elle, professe de tels errements , viole la foi jurée. Pour le chrétien, la croix, aujourd'hui tournée en dérision par les ennemis de l'Eglise, continue à être le seul symbole. Partout où l'on essaye d'empêcher les parents d'élever leurs enfants comme ils l'entendent, on viole la loi de Dieu. Jamais l'Eglise ne reconnaîtra librement des écoles dans lesquelles le maître chargé de l'enseignement religieux n'est pas libre, et où le reste de l'enseignement est fait dans un esprit anti-chrétien."
L'encyclique en appelle enfin aux prêtres et aux Ordres religieux auxquels incombe un devoir particulièrement difficile.
L'Eglise, déclare le Saint-Père, prie pour tous ceux qui souffrent pour leur foi "jusque dans les prisons et les camps de concentration" ; elle saura, s'il le faut, résister à la contrainte physique.
(Suite en P2)
Exhortations paternelles
Après avoir donné d'autres élucidations doctrinales, le Pape déplore l'opposition qui se fait en Allemagne , à l'école confessionnelle et à l'éducation chrétienne, les obstacles qui entravent la liberté et les droits des parents en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants.
C'est de toute son âme que le Saint-Père ressent la douloureuse condition où se trouve les bons et fidèles catholiques allemands : "Par des moyens de pressions, occultes ou avoués, par des intimidations, des perspectives d'avantages économiques, professionnels, civiles ou autres, l'attachement à la foi catholique, et spécialement dans certaines classes de fonctionnaires catholiques, est soumis à une violence aussi illégale qu'inhumaine.
Paternellement ému, Nous sentons et souffrons profondément avec tous ceux qui ont payé si cher leur attachement au Christ et à l'Eglise ; mais c'est désormais à un tel degré que la fin suprême et la plus haute se trouve en vue, à savoir le salut ou la perdition, et, ainsi, l'unique voie de salut pour les croyants reste la voie d'un généreux héroïsme."
(...)
Déclarations romaines
Le Saint-siège se tient à égale distance du national-socialisme et du communisme
L'Encyclique sur l'Allemagne, venant après celle sur le communisme athée, a produit dans tous les milieux romains une impression considérable.
Au cours de ces dernières années, chaque fois que le Pape avait publiquement condamné le communisme en tant que doctrine anti-chrétienne, il avait en même temps associé les théories religieuses du national-socialisme à sa condamnation.
L'Encyclique sur le communisme, pour la première fois, ne comportait pas de contre-partie, les doctrines allemandes n'étant pas signalées.
L'Encyclique publiée aujourd'hui montre que le Saint-Père attache la même importance et condamne de la même façon l'attitude du nazisme à l'égard de l'Eglise et le communisme [note : ces derniers mots sont quasiment illisibles dans le rendu numérique de l'article].
Depuis plus de deux ans, le bruit courait que le Pape préparait un document dans ce sens. En réalité, il accumulait les pièces d'un dossier d'accusation, dont l' "Osservatore Romano" publia de temps en temps un chapitre ; mais voulant toujours espérer que la méthode diplomatique suffirait à ramener le Reich au respect des engagements, le Saint-Père attendait avant de prendre une mesure aussi grave que celle à laquelle il s'est résolu.
Dans les milieux religieux, on fait remarquer que les deux documents, celui sur le communisme et celui sur l'Allemagne, ont, en se complétant, une importance exceptionnelle. Ils indiquent clairement quelle position l'Eglise a entre deux tendances politiques qui, à l'heure actuelle, prétendent se partager le monde.
Du communisme, l'Eglise rejette et condamne tout ce qui est doctrine matérialiste, prétention d'amener sur terre un monde meilleur par des moyens exclusivement matériels ; mais elle oppose à cette théorie une doctrine sociale dans laquelle sont précisés les devoirs de l'Etat à l'égard des travailleurs et les droits de ceux-ci en matière de salaire, d'assurance, de liberté d'association, etc.
Cette doctrine, extrêmement sévère à l'égard du capitalisme, n'a rien à envier aux programmes les plus avancés.
Dans l'encyclique sur l'Allemagne, le Saint-Siège pose trois principes essentielles :
Il se fait le défenseur des contrats, refusant de reconnaître un droit qui se confondrait avec l'intérêt, fut-il supérieur, de l'Etat.
Il se fait le défenseur de la liberté en tant qu'il ne reconnait pas à l'Etat le droit d'imoposer au citoyen des doctrines qui attentent à ses prérogatives d'homme.
Enfin, il dénonce tout le programme politique qui s'appuie sur une divinisation de l'Etat.
On n'a pas oublié les difficultés considérables que rencontra, en Italie, l'application du Concordat de 1929. Ces difficultés amenèrent une crise des plus graves, qui fut résolue par le sens politique dont le fascisme fit preuve.
Rien, en Allemagne, ne laisse prévoir pour le moment une pareille volonté d'accomodement.
Dans les milieux religieux autorisés, on fait les déclarations suivantes :
L'encyclique est un document de haute valeur doctrinale, en ce qu'il affirme avec une admirable clarté la doctrine de l'Eglise catholique en face des erreurs largement répandues en Allemagne, et en ce qu'il élève hautement la voix contre les persécutions dont l'Eglise est l'objet.
Mais c'est aussi un document tout empreint de bienveillance véritable et bien comprise envers le peuple allemand. Les accents du Saint-Père, révélant la douleur de celui qui, placé à la tête de l'Eglise, voit ses fils bien-aimés dans une condition de vie toujours plus dures et difficiles, expriment bien la parole d'un père qui avertit, encourage, et, par ce que c'est nécessaire, protège, mais tout en étant rempli d'un sentiment de charité et de compassion même envers ceux qui veulent le persécuter.
L'impression produite en Allemagne
Berlin, 22 mars.
L'Encyclique pontificale lue dimanche dans toutes les églises d'Allemagne à été passée sous silence par la presse allemande. Les journaux du dimanche soir et du lundi matin n'y font pas la moindre allusion. Cependant, le message du Saint-Père a fait une vive impression parmi la population catholique, qui l'écouta dans une atmosphère de profond recueillement. Les fidèles ont surtout été frappés par l'énergie du ton employé pour condamner les "errements" de certaines doctrines du "sang et de la race".
L'allusion faite par le Saint-Père à ceux qui souffrent pour leur foi "dans les prisons et les camps de concentration" n'a pas passé elle non plus inaperçue.
Plusieurs personnalités catholiques de Berlin ajoutent que la voix du chef de l'Eglise catholique est venu au bon moment interdire avec fermeté à tous les catholiques allemands de transiger avec leur foi.
Les milieux nationaux-socialistes se refusent à prendre offciellement position sur l'Encyclique pontificale, qui, disent-ils, s'adresse uniquement aux fidèles et ne constitue pas un document diplomatique. Cependant, les reproches adressés au gouvernement allemand d'avoir violé le Concordat provoque un vif mécontentement dans les sphères officielles.
"La fidélité à un traité, nous a déclaré ce matin une personnalité nationale-socialiste, cesse d'être un devoir lorsqu'elle compromet des valeurs très hautes comme le salut d'un peuple ou d'une race."
Les milieux politques ajoutent :
"Lorsque le Führer a signé le Concordat, Il ne pouvait deviner l'usage qu'en ferait le Saint-Siège. L'Eglise catholique, disent-ils, avait promis d'apprécier à sa juste valeur notre relèvement national. Au lieu de cela, elle livre à l'étranger les documents permettant d'attaquer le III° Reich. Jamais l'Allemagne n'acceptera que les articles du Concordat relatifs au droit à l'école confessionnelle l'empêchent de réaliser la tâche nationale qu'elle s'est proposée dans domaine. L'appel à la "fidélité allemande" ne pourrait nous convaincre que s'il était lancé par ceux qui prouvent par leurs paroles et par leurs actions qu'ils considèrent le peuple allemand comme le bien suprême. Les efforts du parti et de l'Etat ne visant que le bien et la grandeur de ce peuple."
La Croix du mercredi 24 mars 1937 P1
Après la publication de l'Encyclique contre le nazisme
Cette encyclique, qui fait pendant à celle que le Vatican a fait paraitre sur le communisme, condamne dans les termes les plus nets :
1° La conduite du gouvernement allemand à l'égard du Concordat signé en juillet 1933 : il a été altéré, tourné, sapé, plus ou moins ouvertement violé par un des contractants.
2° L'idéologie nationale socialiste de l'Etat hitlérien, en particulier : la doctrine du sang et de la race, la déification du peuple, de l'Etat et des représentants de la puissance publique, l'emploi sacrilège de termes de la religion pour exprimer des concepts qui lui sont étrangers.
La lettre pontificale affirme, contre le nazisme, l'existence d'un droit naturel. "Ce n'est pas parce qu'une action est utile qu'elle est morale, écrit-elle. C'est parce qu'elle est morale qu'elle est utile."
Elle s'élève contre la prépondérance exclusive accordée aux droits de la communauté. L'individu et la conscience personnelle tiennent de Dieu des droits naturels imprescriptibles, spécialement les parents celui de faire élever leurs enfants suivant leurs propres convictions.
P2 La publication de l'encyclique contre le nationale-socialisme allemand
Cité du Vatican, 22 mars. - L'Osservatore romano publie le texte allemand de l'encyclique sur la situation de l'Eglise catholique dans le Reich. Ce texte occupe plus de deux pages du journal.
Le document était déjà distribué dans tous les évêchés allemands que les journaux allemands se réjouissaient encore comme d'une victoire politique de l'Encyclique sur le communisme.
En Italie, les journaux ne donne qu'un bref résumé du dernier document pontifical, alors qu'ils avaient consacré une place importante au précédent.
La condamnation de la conception nationale-socialiste du droit suivant laquelle le droit est ce qui est utile à la nation forme la partie centrale de la dernière Encyclique.
"Ce principe, dit le Pape, signifierait, en ce qui concerne la vie internationale, un éternel état de guerre entre les nations. Dans la vie nationale, en confondant l'intérêt et le droit, il méconnait ce fait fondamental que l'homme en tant que personne possède des droits donnés par Dieu, qui doivent être protégés contre tout attentat de la communauté ayant pour but de nier ces droits de les abolir et d'en empêcher l'exercice. Si l'on méprise cette vérité, on perd de vue que le véritable bien commun est, en dernière analyse, déterminé et reconnu à travers la nature humaine par son équilibre harmonieux entre le droit personnel et le lien social. La société est voulue par le Créateur comme un moyen pour arriver au plein développement des facultés individuelles (et) sociales."
Le document dit en outre :
"L'Eglise, dont la mission est de protéger et de développer les droits naturels, ne peut que déclarer commes des violences sans aucune valeur juridique les inscriptions des enfants à l'école non confessionnelle faites récemment dans une atmosphère de manque de liberté notoire.
La réaction à Berlin
Berlin, 22 mars - Le gouvernement allemand n'a pas encore fixé définitivement l'attitude qi'il adoptera à l'égard du Saint-Siège à la suite de l'Encyclique lue dimanche dans toutes les églises catholiques d'Allemagne. Le texte complet du message n'est pas encore parvenu à la connaissance du ministère des Affaires étrangères du Reich et une décision pourra seulement intervenir lorsque M. von Bergen, ambassadeur du Reich auprès du Saint-Siège, aura communiqué à son gouvernement toutes les précisions voulues.
Trois hypothèses sont permises au sujet de l'orientation future des rapports entre l'Allemagne et le vatican.
1° Le Reich s'inclinerait devant les exigences du Saint-Siège et modifierait sa politique religieuse ;
2° Le Reich dénoncerait le Concordat;
3° Le Reich laisserait les choses en l'état et continuerait à violer en fait l'esprit et la lettre du Concordat, sans le dénoncer en droit.
La première hypothèse doit être écartée comme invraisemblable. En effet, la condamnation formelle par le Saint-Père des principes racistes qui constituent la base même de la doctrine nationale-socialiste est incompatble avec toute la politique hitlérienne. Si M. Adolf Hitler s'inclinait devant les injonctions pontificales, il abandonnerait l'essentiel de l'idéologie exprimée par lui même dans "Mein Kampf" et par son fidèle lieutenant M. Alfred Rosenberg dans le "Mythe du XX° siècle".
La deuxième hypothèse, selon laquelle M. Hitler envisagerait de dénoncer le Concordat, mérite de retenir sérieusement l'attention. Les termes extrêment vifs dans lesquels est conçue l'Encyclique pontificale, la vigueur de la condamnation prononcée contre les "errements" nationaux-socilaistes ont, en effet, provoqué une émotion considérable dans les sphères officielles allemandes qui y voient un appel à la résistance contre l'Etat lancé par la Papauté à 20 millions de catholiques allemands. Certains conseillers de M. Hitler seraient disposés à assimiler cette action à une tentative de "complot contre la sûreté de l'Etat", qui justifierait, selon eux, une de ces réponses foudroyantes dont le Führer-chancelier a si souvent donné l'exemple.
Par contre, les milieux diplomatiques allemands plus modérés font ressortir qu'une dénonciation unilatérale par le Reich du Concordat pourrait avoir de graves conséquences pour la politique extérieure de l'Allemagne. En particulier, l'abolition du traité qui lie le Reich au Saint-Siège ne manquerait pas, disent-ils, d'avoir des répercussions fâcheuses sur les relations germano-autrichiennes. Elle produirait aussi, selon eux, une impression défavorable dans le camp des catholiques nationalistes d'Espagne avec lesquels le Reich veut continuer à entretenir des relations étroites. Les milieux diplomatiques invoquent également contre une dénonciation l'exemple de l'Italie fasciste dont les rapports avec le Vatican laissent peu à désirer. Ils insinuent que l'Encyclique pontificale pourrait-être une manoeuvre diplomatique destinée à provoquer une dénonciation unilatérale du Concordat par l'Allemagne et de rejeter en fin de compte sur le gouvernement du Reich la responsabilité de cet acte.
La troisième éventualité selon laquelle le Reich s'abstiendrait d'accomplir aucun geste irrémédiable, paraît être jusqu'à présent vraisemblable. Le gouvernement allemand continuerait, dans ce cas, sa politique d'unification scolaire, en dépit des engagements assumés par lui dans le Concordat solennellement signé en 1933 par le vice-chancelier von Papen : il continuerait à tolérer, malgré les avertissement successifs des évêques allemands et du Saint-Siège, toutes les menées qui, au dire même de l'épiscopat allemand, mènent à la "déchristianisation de la jeunesse".
Il est intéressant de noter que la presse allemande s'est soigneusement abstenue de tout commentaire au sujet de l'Encyclique d'hier dont elle n'a pas même mentionné l'existence. Cette consigne de silence permet de conclure que les milieux politiques allemands ne veulent pas prendre une décision précipitée. Par une coïncidence curieuse, la Deutsche Allgemeine Zeitung consacrait lundi soir un éditorial à l'Encyclique contre le communisme et déclarait à cette occasion que l'Allemagne prend acte avec satisfaction de l'attitude du Saint-Père contre "l'athéisme rouge".
Impression romaine
Cité du Vatican, 23 mars. - d'après les impressions recueillies dans les milieux religieux, tant séculiers que réguliers, et dans les milieux diplomatiques internationaux, il se confirme que la teneur et l'ampleur de l'Encyclique publiée hiers sur l'Allemagne dépasse nettement les prévisions que, dans ces mêmes milieux, on avait faites le matin, alors que le document était seulement annoncé.
Les passages qui retiennent le plus l'attention sont ceux qui concernent les violations constantes du Concordat par le Reich à ceux qui rappellent la sainteté du respect des contrats systématiquement violés par l'Allemagne ; le passage contenant l'interprétation du droit confondu avec l'intérêt de la nation, et dans lequesl le Pape s'appuie sur un auteur profane, Cicéron ; la condamnation du racisme, d'un Dieu national, d'une Eglise nationale, du retour au paganisme germanique préchrétien et au polythéisme païen ; la dénonciation de l'emploi d'une terminolgie divine pour des objets ou des pratiques d'ordre politique. C'est également le passage dans lequel il est parlé d'un prétendu surhomme qui s'égale à Dieu.
La réaction du Reich
L'ambassadeur du Reich auprès du Saint-Siège a reçu, dit-on, des instructions pour faire une démarche de protestation à la suite de l'Encyclique sur l'Allemagne.
D'après certaines indications recueillies dans les milieux allemands, le gouvernement de Berlin envisagerait la possibilité d'une dénonciation du Concordat.
Les journaux italiens sont très réservés sur l'Encyclique, ils se bornent à quelques indications sommaires.
Les journaux hongrois n'ayant pas eu à leur disposition le texte de l'Encyclique, seul le Magyarsag, organe légitimiste, qui a reçu de Rome des informations de son correspondant, et le Nemzeli Ujsag, organe catholique, ont donné à leurs informations le caractère d'une sensation mondiale.
Cette lacune est d'autant plus sensible que dans la Hongrie - pays traditionnellement catholique où le danger national-socialiste est clairement apparu au cours des dernières semaines - les paroles du Pape auront, lorsqu'elles seront connues, un profond retentissement.
Un conflit très grave vient de surgir entre le Vatican et le national-socialisme, écrit le Nemzeti Ujsag, conflit dont le national-socialisme porte toutes les responsabilités. Il est certain désormais qu'entre le catholicisme et le III° Reich, un abîme s'est creusé.
Le texte de l'Encyclique est rédigé dans des termes si énergiques, dit le Magyarsag, qu'on ne peut comparer ce document qu'avec ceux qui furent rédigés à la plus mauvaise époque des persécutions du Mexique.
Les organes officieux, cependant, ne publient sur le texte de l'Encyclique que des informations si neutres que le caractère de ce document disparaît complètement.
La presse germanophile, enfin, s'efforce de minimiser l'affaire et de la présenter comme une initiative de Berlin contre le Concordat. Le germanophile [illisble] qui, voici une semaine, publiait sur toute sa première page l'encyclique contre le communisme, en la faisant précéder de ce commentaire: "Enfin, Rome a parlé. Ces paroles auront un retentissement d'autant plus profond qu'il n'est pas parlé de prétendues erreurs d'extrême droite...", relègue l'Encyclique d'aujourd'hui à la cinquième page et publie son annonce dans un entrefilet.
Commentant un article du Völkischer Beobachter, article critiquant le Concordat entre le III° Reich et le Saint-Siège, le Wiener Neues Tageblatt (démocrate autrichien), remarque que cet article démontre le contraste profond qui existe entre l'idéologie catholique et l'idéologie nationale-socialiste.
Les critiques du Völkischer Beobachter, dit le journal viennois, se rapportent plus particulièrement à l'article 1 du Concordat qui stipule la liberté de conscience et l'autonomie administrative de l'Eglise catholique ainsi qu'à l'article 4 qui prévoit la liberté de publicaion et celle des rapports entre les autorités ecclesiastiques et le Saint-Siège.
Un conflit ouvert entre l'Eglise catholique et l'Etat allemand, conclut le Wiener Neues Tageblatt, ne manquera certainement pas de produire ses effets sur les rapports entre le régime et une grande partie du peuple allemand. La situation en Allemagne montre le caractère irréconciliable existant entre le mythe de la race et du sang, qui a son origine dans le paganisme barabare et qui veut dominer en maître tout-puissant, et l'idéologie chrétienne de l'Occident, basée sur la morale et la culture. Ce contraste oblige tous ceux qui, dans l'Eglise catholique et en dehors de celle-ci, tiennent au maintien de ces valeurs les plus précieuses de l'humanité, à adopter une attitude défensive de fer.
La Reichspost commente dans un sens analogue l'article du Völkischer Beobachter et constate que les tentatives de l'organe principal du parti national-socialiste de défendre la politique de l'hitlérisme contre le Concordat contiennent l'aveu de la violaton consciente du Concordat dont se plaint précisément l'Encyclique.
La Croix Jeudi 25 mars 1937 P1
L'Encyclique sur le national-socialisme
une note importante de l' "Osservatore Romano"
L'Osservatore Romano, dans une note non signée, en première page, exprime son étonnement de la façon - qu'il considère sommaire et inexcacte - dont la presse italienne a rendu compte de l'Encyclique sur la situation de l'Eglise en Allemagne.
Après avoir mis en relief que le document pontifical a trouvé dans le monde entier une approbation générale, même de la part d'éléments non catholiques, ce qui lui fait prévoir la solidarité de tous les catholiques pour leurs correligionnaires allemands, le journal du Vatican écrit :
"En Italie, les journaux catholiques ont donné un large résumé du document ; le reste de la presse n'a que de froides allusions inspirées de toute évidence par un bref et inexact communiqué d'une agence officielle qui semble presque dénaturer la pensée pontificale.
Cette surprenante attitude est d'autant plus regrettable de la part des journaux italiens qu'ils préfèrent rapporter, beaucoup plus largement et sans comentaire, un étourdissant article du "Völkischer Beobachter" sur la violabilité des traités, sur lequel nous reviendrons en temps voulu.
A Berlin
La presse allemande, qui avait fait grand bruit à l'occasion de l'Encyclique contre le communisme, se tait sur la seconde.
Dans les milieux officiels, on est très irrité, spécialement contre les évêques allemands qui ont été récemment à Rome, et on use à l'égard du Vatican d'une grande violence de langage.
On espérait que l'Encyclique serait étouffée. Il semble bien que les évêques ont pris des mesures pour qu'elle soit connue partout.
Circonstance aggravante : le document romain parait au moment où les élections protestantes au synode général agitent profondément sinon le peuple, du moins les élites.
On ne croit pas que les "Semaines religieuses" paraissant à la fin de la semaine puissent reproduire les termes de l'Encyclique.
L'auteur de "Mein kampf", qui avait été blessé au vif dans son orgueil parce que M. La Guardia, maire de New-York, l'avait appelé un "fanatique en chemise brune", serait très irrité des paroles du Saint-Père.
Celui qui, par méconnaissance sacrilège de la différence essentielle entre Dieu et la créature, entre l'Homme-Dieu et l'homme pur et simple, oserait placer le simple mortel à coté du Christ, avec ce qui est le pire, au-dessus de lui ou contre lui, fût-il le plus grand de tous les temps, qu'il le sache, celui-là, qu'il est un prophète de chimère auquel s'appliquent préremptoirement les paroles de l'Ecriture : "Celui qui habite dans les cieux se moque d'eux."
En France
Les réactions de l'Allemagne à propos de l'Encyclique sont, aux yeux de l' "Ere Nouvelle", un utile enseignement pour les Français.
Que dit en effet l'Allemagne, menaçant le Vatican ? "Même un traité conclu avec le Saint-Père, proclamaient les journaux hitlériens, ne sauraient représenter une valeur éternelle, sacro-sainte et intangible. Il faudrait savoir l'adapter à l'évolution vivante, s'il ne doit pas devenir inefficace."
Et les articles officieux poursuivent :
"La fidélité à la lettre d'un traité, fidélité qui irait jusqu'à l'anéantissement de soi même ; la fidélité allemande, c'est la fidélité au peuple allemand toujours et dans tous les cas."
De telles déclarations sont pour le moins fort intéressantes, et il faut assurément reconnaître que Berlin a bien raison de souligner que l'Encyclique pontificale est une provocation, car elle a au moins provoqué de la part de Berlin une réaction des plus instructives, des plus utiles.
"Nous ne respectons les contrats, dit Berlin, qu'autant qu'ils nous sont utiles. nous ne connaissons d'autre fidélité que la fidélité au peuple allemand."
Il y a beau temps certes que nous nous en étions aperçu : il y a beau temps que nous l'avions souligné.
Il n'en reste pas moins qu'il faut en tirer des leçons précieuses surtout dans les circonstances actuelles.
Rendons grâce au Vatican de nous avoir, une fois de plus, éclairé sur la véritable orientation de la politique hitlérienne.*
Note : pour rappel, les accords de Munich furent signés le 29 septembre 1938. La leçon n'a pas été vraiment retenue.