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(L'Humanité du mercredi 24 mars 1937 P1 & P3)
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Revue de presse française concernat l'Encyclique "Mit brennender Sorge"
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Revue de presse française concernant l'Encyclique "Mit brennender Sorge"
   
 
==journal La Croix==
 
==journal La Croix==

Version actuelle datée du 24 septembre 2007 à 11:11

Revue de presse française concernant l'Encyclique "Mit brennender Sorge"

journal La Croix

Nous dédions une page entière à la couverture de La Croix qui, naturellement s'attarde le plus sur cette Encyclique et ses répercussions en Europe.

le Figaro du lundi 22 mars 1937 P3

Le pape proteste contre la violation par le Reich du Concordat de 1933
Une encyclique a été lue hier dans les églises catholiques d'Allemagne

21 mars - Une encyclique pontificale protestant contre les violations du Concordat de 1933 a été lue, aujourd'hui, dans les églises catholiques d'Allemagne.
A Berlin, la lecture de ce Concordat a été faite par Mgr Preysing, évêque de la capitale, dans la cathédrale Sainte-Edwige.
L'encyclique comprend trois sections. La première a trait au Concordat proprement dit, la deuxième à la foi en Dieu, en Jésus-Christ et l'Eglise, ainsi que les droits reconnus aux parents par la morale chrétienne.
La troisième partie implore la miséricorde divine pour tous ceux qui se sont laissés amener par des menaces ou des promesses, à prêcher contre le Christ.
Le Saint Père déclare que si le Concordat conclu entre le Reich et le Vatican n'a pas été respecté, la faute n'en incombe pas à l'Eglise catholique, mais au gouvernement du Reich qui, dit-il, n'a pas interprété loyalement les stipulations de ce traités.

Si le Saint-Père n'a pas dénoncé le Concordat, c'est seulement, dit ce document, par le souci du salut des âmes dont il a la charge, "mais nous continuerons à défendre les droits des fidèles devant les chefs de votre peuple, nous ne nous laisserons pas influencer par ces succès ou ces insuccès passagers".
L'encyclique critique ensuite la doctrine raciste, elle condamne sévèrement la théorie du sang et du sol. Quiconque, dit-elle, professe de tels errements, viole la foi jurée. Pour le chrétien, la croix, aujourd'hui tournée en dérision par les ennemis de l'Eglise, continue à être le seul symbole.

Partout où l'on essaye d'empêcher les parents d'élever leurs enfants comme ils l'entendent, on viole la loi de Dieu. Jamais l'Eglise ne reconnaîtra librement des écoles dans lesquelles le maître chargé de l'enseignement religieux n'est pas libre et où le reste de l'enseignement est fait dans un esprit anti-chrétien.
L'encyclique en appelle enfin aux prêtres auxquels incombe un devoir particulièrement difficile. L'Eglise, déclare le Saint-Père, prie pour tous ceux qui souffrent pour leur foi jusque dans les prisons et les camps de concentration. Elle saura, s'il le faut, résister à la contrainte physique.

L'Humanité du lundi 22 mars 1937 P3

L'Eglise catholique allemande s'élève contre la dictature hitlérienne

Berlin 21 mars - Une encyclique pontificale protestant contre les violations du concordat de 1933 a été lue aujourd'hui dans les églises catholiques d'Allemagne.
Le pape y déclare que si le concordat conclu entre le Reich et le Vatican n'a pas été respecté, la faute n'en incombe pas à l'Eglise catholique, mais au gouvernement du Reich qui, dit-il, n'a pas interprété loyalement les stipulations du traités.
L'encyclique en appelle enfin aux prêtres auxquels incombe un devoir particulièrement difficile.
L'Eglise, déclare le pape, prie pour tous ceux qui souffrent pour leur foi "jusque dans les prisons et les camps de concentration". Elle saura, s'il le faut, résister à la contrainte physique.

Le Figaro du mardi 23 mars 1937 P3

Le pape contre l'Hitlérisme
Par Georges Goyau

En s'attaquant à la foi, les gouvernants du Reich s'exposent à dresser contre eux l'union de toutes les Eglises chrétiennes.

Un Concordat était signé, il y a quatre ans, entre le Saint-Siège et la dictature hitlérienne : ce Concordat était considéré par Rome comme susceptible de garantir les libertés religieuses, et pour la première fois, depuis la formation de l'unité allemande, le pouvoir central, à Berlin, c'est-à-dire la puissance même du Reich, avait accepté de signer un pacte avec la puissance spirituelle. Fini le temps où la Prusse avait son Concordat, et la Bavière le sien, et Bade le sien ; l'unification du Reich imposait désormais, dans cette Allemagne nivelée qu'est l'Allemagne hitlérienne, certaines maximes générales de politique religieuse qui ne comporterait plus aucun particularisme, qui ne laisserait plus place pour aucune autonomie.
La voix du pape, après quarante-huit mois d'expérience, vient de constater que la confiance du Saint-Siège a été déçue : "Le gouvernement du Reich, dit-il, n'a pas interprété loyalement les stipulations de ce traité." Jamais Pie XI, au moment même où il avait signé le traité, n'avait fermé les yeux sur les périls auxquels l'Eglise demeurait exposée dans la cité naziste ; mais se trouvant en, présence d'un pouvoir qui consentait à admettre, au moins en théorie, la liberté des écoles confessionnelles et la liberté de l'enseignement religieux, Pie XI avait eu hâte d'enregistrer de pareilles garanties, quelque précaire qu'en fût la durée. Il les enregistra ; les signatures s'échangèrent.

Un nouveau chiffon de papier

Et aujourd'hui, le document où elles s'étaient inscrites n'est guère rien de plus qu'un chiffon de papier. Les écoles confessionnelles sont suspectes, lorsqu'elles ne sont pas proscrites. Une famille de fonctionnaires ne saurait avoir l'audace de leur confier ses enfants. Et c'est une sorte de péché contre l'orthodoxie politique de l'Hitlerisme, de soummettre de jeunes âmes allemandes à des influences d'ordre confessionnel ; tout au plus peut-on tolérer que pour des fins proprement liturgiques on retienne, au pied des autels, quelques ferveurs enfantines ; l'éducation religieuse doit s'abstenir de toute autre ambition ; qu'elle suscite des agenouillemnts, soit ! Mais ni sur les pensées ni sur les volontés elle ne doit aspirer à exercer une influence. Pie XI stigmatise le genre de doctrine qui sévit dans l'Allemagne actuelle : il constate que "diviniser le pouvoir dans un culte d'idolâtrie, c'est pervertir et fausser l'ordre crée et établi par Dieu, et devenir étranger à la véritable foi." Ainsi dessine-t-il, en termes abrupts, le contraste entre la philosophie nationale-socialiste et la foi catholique.
En face de l'Eglise, il le sait, les forces hostiles sont dès maintenant dressées. Les polémiques racistes bafouent systématiquement la croix du Christ. Le Crédo, dont le Concordat garantissait le respect, le code de morale dont le Concordat promettait le maintien, sont persiflés et violés, comme des vieilleries. La caricature d'un Christ antisémite, collaborateur imprévu des ostracismes hitlériens, s'est substituée à la physionomie traditionnelle du Christ, et des voix allemandes vont certainement se rencontrer, pour signifier au Pape que l'Allemagne rend service au Christ et qu'elle lui rend hommage en rectifiant son portrait.
Il y a soixante ans, un premier Pie, neuvième du nom, se dressa devant la nouvelle Allemagne, coupable à ses yeux de vouloir modifier la constituion de l'Eglise du Christ ; après quinze ans de lutte, Bismarck recula devant Léon XIII.

La réaction possible des protestants

Aujourd'hui, il ne s'agit plus de questions de théologie, ou de droit canon, ou de litiges sur les rapports entre les deux pouvoirs ; ce qui est en jeu, c'est la foi chrétienne elle-même, dénoncée par les polémistes du nazisme comme incompatible avec le salut du peuple, avec le salut de la race. L'Allemagne bismarckienne s'était mise en conflit avec l'organisation de l'Eglise ; l'Allemagne hitlérienne se met en conflit avec la conception séculaire et historique du Christ. Est-il téméraire de penser que, dans certains milieux protestants au-delà du Rhin, la voix du Pape, proclamant l'attachement des âmes à la figure du Christ, et réclamant cet attachement, suscitera certaines impressions d'émouvante gratitude ? L'hitlérisme qui prétend unifier l'Allemagne en face, au-dessus et à l'encontre des confessions religieuses traditionnelles, aura peut-être ce résultat, de préparer, à longue échéance, des rapprochements imprévus entre les Eglises chrétiennes et d'avancer l'heure où, pour la défense du Christ, ces Eglises feraient front front et feraient bloc. Cette revanche de la liberté spirituelle serait une magnifique victoire pour la dignité des âmes : l'Encyclique papale en est peut-être le début.
Mais cette Encyclique, comment l'Allemagne la connaîtra-t-elle ? Les fidèles allemands qui s'en furent dimanche à la messe l'entendirent lire du haut de certaines chaires ; les lecteurs allemands qui la cherchaient dans la presse du lundi matin la cherchaient en vain. Bismarck laissait connaître à l'opinion publique allemande ce que Rome pensait de la politique du Reich. Hitler, moins généreux, moins libéral, marchande à cette opinion publique les possibilités d'information. Mais la voix du Pape est assurée d'un retentissement qu'aucune barrière ne pourra paralyser, et les obstacles mêmes qu'on tenterait d'opposer à sa libre diffusion desservirait la politique hitlérienne. Une fois de plus, devant le monde civilisé, par la voix du Pape, est posée cette question de la fidélité de l'Allemagne aux traités : le monde civilisé va guetter la réponse.

Le Figaro du mercredi 24 mars 1937 P3

Figaro 24 mars

Après l'encyclique pontificale la dénonciation du Concordat et envisagée à Berlin
"Aucun traité n'est sacro-saint", écrit le Völikischer Beobachter
(de notre correspondant particulier, par téléphone.)
Berlin, 23 mars - Le III° Reich va-t-il dénoncer le Concordat ? Telle est la question qu'au début de cette semaine pascale se posent tous les catholiques allemands. Après avoir répudié unilatéralement la plupart des dispositions du Diktat de Versailles, après avoir déchiré les accords de Locarno librement paraphé par la République de Weimar, l'Allemagne hitlérienne va-t-elle maintenant dénoncer un Concordat signé naguère en plein accord avec le Vatican ?
Il faut bien reconnaître qu'un geste de cette nature ne serait pas fait pour surprendre outre mesure les milieux catholiques de la capitale du Reich. C'est assez dire qu'au lendemain de la lecture de l'Encyclique une telle hypothèse peut-être envisagée.
Le Volkischer Beobachter, dans ses commentaires, écrit :
"Dans son discours du 23 mars 1933, le Fürher avait promis de respecter les accords conclus avec l'Eglise, ainsi que les droits de l'Eglise. En faisant cette promesse, il entendait que fût respectée de la même manière l'oeuvre de rénovation nationale et morale de notre peuple que le gouvernement s'est assigné. Le III° Reich n'a pas eu l'occasion de constater que les chefs de l'Eglise catholiques romaines savaient apprécier dignement cette tâche."
"Pas plus qu'un autre, un traité avec le Saint-Siège n'est sacro-saint. Un concordat n'est pas intangible. Il n'a pas une valeur éternelle en soi. Il doit s'adapter à l'évolution des choses s'il ne veut pas devenir caduc."
Dans les circonstances présentes, cette phrase prend une signification toute particulière. Sans nul doute convient-il d'y voir sous une forme voilée une première réponse à la lettre encyclique envoyée solennellement de Rome.


Une protestation du Reich au Vatican
Cité du Vatican, 23 mars- L'ambassadeur du Reich auprès du Saint-Siège a reçu des instructions pour faire une démarche de protestation à la suite de l'encyclique sur l'Allemagne.

L'Humanité du mercredi 24 mars 1937 P1 & P3

Humanité 24 mars

Entrefilet :
Hitler déclare la guerre aux catholiques
La gestapo a perquisitionné chez Mgr von Preysing, évêque de Berlin.
Le Fürher interdit aux SS de baptiser leurs enfants.

Article P3:

Après l'encyclique du pape la gestapo perquisitionne chez l'évêque de Berlin

Berlin, 23 mars - les autorités allemandes semblent avoir été informées qu'une lettre encyclique pontificale concernant l'Eglise catholique allemande allait être lue dans toutes les églises catholiques du Reich. Dans tous les cas, des perquisitions ont été opérées à la fin de la semaine dernière à l'imprimerie et dans les bureaux du journal catholique la Germanie. Mais aucune trace de l'encyclique ne fut découverte.

Perquisitions chez l'évêque de Berlin

Des perquisitions ont également eu lieu chez Mgr von Preysing, évêque de Berlin.
Il paraît qu'en réalité le texte allemand de la lettre pontificale a été imprimé en province et distribué avec les plus grandes précautions dans les évéchés. A Berlin, ce sont des courriers motocyclistes qui distribuèrent le texte du message pontifical dans les diverses paroisses.

La campagne de presse, les persécutions contre les catholiques redoublent.

Les autorités hitlériennes viennent de faire savoir aux SS qu'il leur était interdit de faire baptiser leurs enfants. D'autre part, ils sont tenus de signer un engagement écrit de se faire enterrer sans prêtre, sans pasteur. Leurs officiers auront la charge d'organiser les funérailles à leur gré.
Ces interdictions engendrent un grand mécontentement. Si l'on rappelle que les catholiques en Allemagne forment le tiers de la population, l'opposition manifestée si ouvertement par la lecture publique de l'encyclique dans les église prend toute son importance.
L'organe hitlérien Völkischer Beobachter réagit avec une grande violence contre l'encyclique papale dénonçant les théories et les pratiques nazies :
"On ne saurait suivre, dit-il, à la lettre et d'une façon primitive, rigide, et formelle, des traités qui pourraient nuire au peuple allemand. Si, après la conclusion d'un pacte, les circonstances ont tellement évolué que la fidélité au pacte pourrait porter préjudice aux intérêts vitaux d'une des parties contractantes, il doit nécessairement être possible de se libérer totalement ou en partie des engagements contractés antérieurement.
Même un traité conclu avec le Saint-Siège, ajoute-t-il, ne saurait représenter une valeur éternelle sacro-sainte et intangible. Il faudrait savoir l'adapter à l'évolution vivante, s'il ne doit pas devenir inefficace."
La conclusion est claire :
"La fidélité allemande n'est pas la fidélité à la lettre d'un traité, fidélité qui irait jusqu'à l'anéantissement de soi-même ; la fidélité allemande, c'est la fidélité au peuple allemand toujours et dans tous les cas."
On le saura : l'Allemagne hitlérienne ne connaît pas de traité. Sa loi c'est le bon plaisir du Führer.
C'est justement cette conception hitlérienne que le pape condamnait :
"ce principe, dit le Pape, signifierait un éternel état de guerre entre les nations."

Protestation auprès du pape :

L'ambassadeur du Reich auprès du Saint-Siège a reçu des instructions pour faire une démarche de "protestation" à la suite de l'encyclique sur l'Allemagne. D'après certaines indications recueillies dans les milieux allemands, le gouvernement de Berlin envisagerait la possibilité d'une dénonciation du concordat.