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Pourquoi avons-nous publié "La guerre de Pie XII" ?
Why we published Pius war (lien vers article original).
Par William Doino, Catalyst, avril 2005

Il y a huit ans de cela, le magazine New Yorker publia un article incroyablement long intitulé "Le Silence". Ecrit par le prêtre défroqué James Caroll (à présent éditorialiste au Boston Globe), il soutenait que la doctrine de l'infaillibilité pontificale et l'insistence de l'Eglise sur la "primauté de Jésus comme unique voie du salut" étaient toutes deux fausses et avaient causé des dommages incommensurables à travers l'histoire. A travers une mauvaise compréhension de l'infaillibilité pontificale remarquable pour quelqu'un censé avoir étudié la théologie, Caroll affirme que cette doctrine empêcha l'Eglise de reconnaître ses fautes, conduisant Jean-Paul II à rester silencieux au regard de la masse des péchés institutionnels. "La doctrine de l'infaillibilité", conclut Carroll, "est comme un virus qui paralyse le corps de l'Eglise."

"Le silence" provoqua un mini séisme devenant le point focal pour les anti-catholiques de tout bord, et un sujet de conversation pour toutes les catégories de jacteurs. Ce qui rendait l'article notable n'était pas les attaques contre le pape ou les critiques de l'infaillibilité pas plus que les erreurs théologiques et historiques sans nombre. Ce qui eut le plus grand impact fut la tentative de Carroll de rendre responsable Pie XII - et dans une plus large mesure l'Eglise catholique elle-même - de l'Holocauste.

Les accusations de Carroll n'ont rien d'une nouveauté. Dès 1943, les agents de propagande soviétiques concoctèrent diverses calembredaines sur Pie XII et sa soi-disant collaboration avec l'Allemagne de Hitler, essayant de semer la discorde entre les fidèles et leur Eglise. Après la guerre, ces légendes du répertoire communiste furent reprises par le dramaturge allemand Rolf Hochhuth - accessoirement un ancien membre de la Jeunesse Hitlérienne * - dont la pièce "Le Vicaire" (1963) s'évertuait à transférer le sentiment de culpabilité allemand sur le pape italien. Hochhuth caricatura Pie XII en homme lâche et rapiat, qui aurait pu empêcher l'Holocauste en quelques belles paroles, mais qui ,à cause de sa faible personnalité et des intérêts financiers en jeu, préféra rester "silencieux". L'article du New Yorker de Carroll reprend le réquisitoire de Hochhuth, en le conduisant plus loin encore.

Bien que de nombreuses personnes aient balayé l'article du New Yorker - même Commonweal magazine, pourtant souvent critique du Vatican, qualifia la thèse de "factuellement erronée, logiquement incompréhensible, théologiquement incohérente" - l'attaque de Carroll contre la papauté encouragea les polémistes anti-vaticans, à la fois dans et hors de l'Eglise, à publier leur propre tirade. En quelques années, les attaques sur Pie XII et l'Eglise catholique émergèrent de leur coterie : John Cornwell et "le pape d'Hitler" (1999), Gary Will et son "Péché pontifical" (2000), Suzan Zucotti avec "Sous ses propres fenêtres" (2000), Michael Phayer "L'Eglise catholique et l'Holocauste, 1930-1965" (2000), David Kertzer "Les papes contre les Juifs" (2001), Carroll "L'épée de Constantin" (2001), et finalement Daniel Goldhagen "Un devoir de morale" (2002).

Que ce soient sur les circuits des talk-show habituels ou dans la presse classique, ces livres, malgré leur myriade d'erreurs, furent tous frénétiquement accueillis. Un homme, toutefois, ne fut pas convaincu, le rabbin et historien David Dalin. Troublé et énervé par ce qu'il considéra comme une captation et exploitation de l'Holocauste dans un but partisan, Dalin se décida à répliquer. Diplômé à la fois en histoire et en théologie, impliqué de longue date dans le dialogue judéo-catholique, il a à la fois les connaissances et l'autorité pour réfuter les polémistes anti-vaticans, écrivant avec précision sur l'Eglise catholique et l'Holocauste. Le résultat fut une serie d'essais et de tribunes, la plus importante étant "Pie XII et les Juifs", une longue analyse sur toute la controverse parue dans le Weekly Standard du 26 février 2001.

Traduit en plusieurs langues, l'article de Dalin devint l'un des essais les plus réédités sur Pie XII. Ce qui frappa tant de gens à propos de ses travaux furent non seulement les réfutations point par point des détracteurs de Pie XII, mais aussi sa conclusion spectaculaire : "Pie XII était, authentiquement et profondément, un juste parmi les nations."

En vérité, l'article de Dalin n'a pas plu à tout le monde, et particulièrement ceux qui prospèrent dans le sillage du "Vicaire", ou dont les désaccords idéologiques avec l'Eglise s'alimentaient sur cette légende. Les attaques en furent d'autant plus féroces. Dans une tribune publiée dans le journal First Thing, Joseph Bottum prétend que bien que les supporteurs de Pie XII aient démoli les accusations portées contre le pontife de la seconde guerre mondiale, ils avaient perdu la guerre culturelle sur la réputation de Pie XII, ou du moins ne l'avaient-ils pas encore gagnée, car les opposants de Pie XII avaient bien plus d'influence. Il se peut cependant que les conclusion de Bottum soient prématurées.

En réalité, les supporteurs de Pie XII gagnaient en influence non seulement aux Etats-Unis, mais égalemement à travers le monde. En discutant de ces choses entre nous, nous décidâmes de rassembler une anthologie qui ferait ce qui n'avait jamais été fait : répondre à toutes les critiques sur Pie XII dans un ouvrage unique, de façon complète et mesurée. Le résultat est "The Pius War : Responses to the Critics of Pius XII" [La guerre de Pie XII : réponses aux critiques de Pie XII], édité par Bottum et Dalin et publié par Lexingtons Books.

Les cent premières pages du livre rassemblent les meilleurs articles et tribunes - sélectionnés littéralement parmi des centaines de documents - de différents livres polémiques qui ont paru ces dix dernières années. Les critères de sélection furent l'éloquance, la force de persuasion, le niveau de connaissance, et la précision historique - les contributions ayant été inutiles si elles ne s'appuyaient pas sur une matière pertinente.

En conséquence, deux spécialistes de l'histoire de l'Eglise reconnus, l'Allemand Dr Rainer Decker et John Jay Hughes, répondent respectivement à Cornwell et son "Pape d'Hitler" et à Michael Phayer et son "Eglise Catholique et l'Holocauste", expliquant ce qui s'est réellement passé lors des rafles des Juifs de Rome (épisode qui était au coeur de la pièce vicieuse de Hochhuth). Le professeur Ronald Rychlak, le spécialiste de Pie XII le plus connu aux Etats-Unis, démonte l'assertion de Susan Zucotti que Pie XII "fit peu voire rien pour aider les Juifs persécutés" ; Robert Louis Wilken, un historien éminent du christianisme à l'université de Virginie, porte l'estocade au livre de James Carroll, "L'épée de Constantin" ; le professeur et éditeur Justus George Lawler s'attelle aux attaques tout-azimut de Gary Will et ses thèses historiquement défaillantes ; le spécialiste du Vatican Russel Hittinger répond à David Kertzer et son ouvrage "Les papes contre les Juifs"; Le documentaliste et expert en archives John Cohnway critique les historiens parlant négativement des archives du Vatican dites "secrètes" de la période de la seconde guerre mondiale, sans qu'ils aient par ailleurs étudié les masses d' archives déjà disponibles en onze en volumes ; Michael Novack répond aux calomnies de Daniel Goldhagen contre Pie XII et l'Eglise ; et Kevin M. Doyle contribue au joyeau inattendu de ce livre, une analyse de la soi-disant "encyclique cachée" contre l'anti-sémitisme voulue par Pie XI et supposément supprimée par Pie XII. Doyle montre que, loin de rester "cachée", l'encyclique fut modifiée et publiée six semaines après le début de la seconde guerre sous un nom différent "Summi Pontificatus", condamnant le racisme sous toutes ses formes. Ajoutez à cela le fameux essai de Dalin, et une introduction et conclusion par Bottum.
(...)
Aussi important que soit "La guerre de Pie XII" pour la restauration de la vérité historique, il ne minimise ni ne lave les fautes des "fils et filles" de l'Eglise catholique, pour citer Jean-Paul II. Beaucoup de ces essayistes parlent franchement de l'anti-judaïsme et de l'anti-sémtisme, et la bibliographie contient une large section dédiée aux relations judéo-catholiques, couvrant tous les aspects de celles-ci, les zones d'ombre comme de lumière.

Déjà nous percevons des signes de changements. Le film "Amen" tiré du "Vicaire" fut sorti en 2002 pour finir en flop international, collectionnant les avis négatifs. Hochhuth lui-même fut surprit faisant l'éloge de l'historien révisioniste notoire David Irving, accusé de nier l'Holocauste, se discréditant lui-même encore un peu plus. John Cornwell récemment déclara qu'il trouve à présent "impossible de juger Pie XII", à la "lumière des débats et des preuves" qui suivirent la publication de son oeuvre maintenant discréditée "Le pape d'Hitler". Même Susan Zucotti, écrivant dans le très estimée "Etudes de l'Holocauste et des Génocides" d'automne 2004, si elle s'obstine dans son attitude sceptique envers l'engagement de Pie XII dans les efforts de sauvetage, reconnait les preuves qu'elle négligeait auparavant, et pense à présent qu'il "y a plus de place pour le compromis** et la réconciliation" entre les participants de ce débat. Du progrès a donc été fait, et continue d'être fait, alors que de nouvelles archives sont rendues disponibles, de nouveaux livres écrits, de nouvelles perspectives tirées.

William Doino est un écrivain et commentateur catholique. Chroniqueur au journal "Inside the Vatican", il a publié des articles dans divers journaux tels que le "National Review", "Modern Age" et "Crisis", et travaille actuellement sur un livre à propos du rôle du Vatican pendant la seconde guerre mondiale.

\* Ca ne fait pas plus de lui un Nazi : tous les jeunes allemands de son époque y sont également passés.
\** Comme si les faits historiques étaient le résultat de compromis ! Comme si l'année de la bataille de Marignan était un compromis passé avec des cancres incapables de retenir des dates, et le 6 juin 1944 un compromis entre Eisenhower et cette Mme Zucotti ! Comme si l'histoire était le résultat d'un troc et d'un fricotage entre adhérents de syndicats ! Qu'est-ce que c'est que ces historiens qui croient négocier la réalité des faits comme on négocie le kilo de pistache dans un bazar oriental ?
Voici un exemple du ravage que produit le relativisme dans nos sociétés. Il est plus que temps que l'histoire soit rendue au vrais historiens et qu'on renvoie définitivement les idéologues et leurs potions imbuvables dans leurs officines.